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Petit-déjeuner avec Christian Eckert, secrétaire d’Etat au Budget

-Le CICE a les défauts de ses qualités. Simple, il n’est pas très bien ciblé

-L’ajustement « structurel » exigé par Bruxelles est « surdimensionné »

-Les collectivités locales doivent réduire leurs dépenses de fonctionnement plutôt que leurs investissements

Le secrétaire d’Etat au Budget en est conscient : « arides et complexes » les sujets budgétaires, suscitent « la méfiance des Français » soumis à des réactions « simplistes », « démagogiques », voire « populistes » alors que les politiques sont tiraillés entre le temps de l‘arbitrage et la mise en œuvre de décrets qui peuvent mettre « un an » alors que le rythme médiatique est « instantané ». Voilà pourquoi, selon Christian Eckert, on ne parle que des « perdants et non des gagnants ».

Ainsi de la fin de la part déductible de la CSG qui a fait « 300 000 perdants mais 700 000 gagnants ». De même le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour la main d’œuvre non qualifiée est encore peu utilisé alors qu’il s’agit d’un dispositif très simple d’allègement de charges. « Nous n’avons pas su « vendre » ce dispositif » reconnait Christian Eckert. Réticent à l’origine, le ministre rappelle qu’au sein d’un gouvernement « l’unité doit primer » et admet que le CICE a « les défauts de ses qualités » : il est simple mais « pas très bien ciblé ».

Sur la trajectoire budgétaire, le ministre se veut prudent. S’il se félicite qu’en terme de conjoncture, les « astres soient bien alignés » (très faible inflation et des cours du pétrole, bas taux d’intérêt), il en est un qui ne brille guère, celui des investissements, notamment des PME qui ont encore « des relations tendues avec les banques ». Au point qu’il s’interroge « sur l’efficacité de BpiFrance », le bras financier de l’Etat, dont le président François Hollande a annoncé qu’il allait augmenter ses prêts. Ce réveil des investisseurs manque encore pour conforter une croissance sur laquelle Christian Eckert réaffirme son « humilité » face aux prévisions à 18 mois. Elle est toujours prévue à 1% pour 2015, même si une embellie n’est pas à exclure.

Mais quelques jours avant la présentation, le 22 avril, à la Commission européenne du projet pluriannuel 2016-18 de la France, il se félicite des résultats engrangés en 2014 : prévu à 4,4% du pib, le déficit public s’est inscrit à 4% grâce une « augmentation des recettes plus rapide que celles des dépenses » limitée à 0,9%, la plus faible depuis 1998. Christian Eckert assure que la France trouvera, d’ici au 22 avril, les 4 milliards d’économies supplémentaires réclamés par Bruxelles, en contrepartie de la concession d’un troisième délai de deux ans pour ramener le déficit public en deçà de 3% du pib. Mais le ministre regrette que la Commission ait, en outre, recommandé un ajustement structurel –hors conjoncture- de 0,8% du pib en 2016 et de 0,9% en 2017. Un ajustement qu’il juge « surdimensionné ».

Quoi qu’il arrive, la promesse d’une pause fiscale sera tenue, « je m’en fais le greffier » réaffirme-t-il. Les prélèvements obligatoires, qui étaient de 44,7% du Pib en 2014, un niveau « inédit depuis 2009 », reviendront à 44,5% cette année. Interrogé sur une éventuelle baisse de l’impôt sur les sociétés, le ministre estime qu’il serait prématuré d’y toucher en cours d’année, sans pour autant fermer définitivement la porte à une décision, mais dans « un mouvement d’ensemble ».

Or, aucune réforme fiscale profonde n’est, selon lui, envisageable en dehors d’une solide croissance. Reste qu’il n’est pas question de « jouer uniquement du rabot » fiscal. Christian Eckert en veut pour preuve les réformes structurelles sur les dépenses de santé et les médicaments. Quant à la dotation générale de fonctionnement des collectivités locales, elle sera réformée d’ici à la fin de l’année.

Mais, pour bien connaitre ces problèmes pour avoir été maire de Trieux et Vice-président du conseil régional de Lorraine, il rappelle que seuls 28% des recettes des collectivités locales proviennent de l’Etat. Les trois leviers des collectivités locales sont connus : l’impôt, toujours très délicat à manier ; l’emprunt, encore possible pour celles qui disposent encore d’une marge ; la baisse des investissements. Or si nombre de collectivités locales ont vu leurs dépenses baisser du fait d’une inflation minime et de frais énergétiques réduits, il est inquiétant qu’elles aient rogné sur l’investissement, en baisse de 8 à 10% l’an dernier. « On est toujours rattrapé par les retard d’investissement » rappelle le ministre qui appelle les collectivités locales à mieux veiller à réduire leurs dépenses de fonctionnement. Est-il normal qu’en 2014, « la masse salariale ait augmenté de 3,9% » ?

Chute des cours du pétrole ; quelles conséquences pour le secteur de l’énergie et pour l’économie mondiale ?

Les cours du pétrole ont chuté et tous les acteurs en subissent les effets : producteurs, exportateurs, États et consommateurs. Cette baisse est-elle favorable à la croissance dans les pays de l’OCDE ? Cette chute du prix du baril constitue-t-elle un frein pour le secteur de l’énergie et la transition énergétique ? Ce phénomène remettra-t-il en cause l’investissement dans le renouvelable?

Cet atelier a été l’occasion d’un décryptage, par l’OCDE, des enjeux macroéconomiques, à court terme, de la baisse du prix du pétrole, et l’AIE analysera la transition énergétique au niveau mondial sur fond de cette baisse de prix.

Avec Jean Luc Schneider, directeur adjoint du développement du département économique de l’OCDE
et Didier Houssin, directeur des politiques et des technologies énergétiques durables à l’AIE.

Retrouvez tous les ateliers de l’OCDE ici.

Mouvements et nominations de Mars 2015

Jean-Baptiste Duval est nommé chef du service business du Huffington Post.

Katia Dolmadjian devient journaliste en charge du tourisme et du secteur du luxe pour l’AFP, en remplacement d’Audrey Kauffmann.

Alfred Mignot devient rédacteur en chef de l’édition hebdomadaire de La Tribune.

Audrey Tonnelier prend en charge de la couverture des marchés financiers et l’économie française au Monde.

Rapport d’activité du Président

Bonjour et merci à tous, journalistes et membres associés, d’avoir accepté de participer à cette Assemblée générale de votre association, l’AJEF. Merci également aux responsables du Commissariat général à la stratégie et à la prospective, communément appelé France Stratégie,
de nous accueillir à nouveau dans ces magnifiques locaux empreints d’histoire.

L’année 2014 qui nous occupe aujourd’hui, avant d’aborder l’avenir lors de notre discussion, a été particulièrement riche en actualité politique, économique, européenne autant qu’internationale, mais aussi au regard de l’exercice de notre profession et des défis qu’elle doit relever. Ces événements ont beaucoup occupé nos adhérents que nous avons régulièrement retrouvés au rythme de nos manifestations dont le rythme n’a pas faibli. Permettez-moi de revenir sur quelques unes d’entre elles :

Bilan d’activité 2014

• les PETITS DEJEUNERS
Nous en avons organisé sept autour de personnalités du monde économique et politique : Bernard Cazeneuve (alors ministre du budget), Xavier Timbeau et David Thesmar (deux économistes en débat sur les questions d’actualité), Philippe de Fontaine Vive (alors vice-président de la BEI), Michel Sapin (ministre des finances et des comptes publics), Bruno Lasserre (président de la Haute autorité de la concurrence), Alexandre de Juniac (PDG d’Air France) et Nick Leeder (directeur général de Google France) aux côtés d’autres spécialistes du numérique.
Des rencontres qui se poursuivent cette année puisque, après avoir accueilli Patrick Artus et Xavier Ragot venus débattre des questions européennes et notamment de la Grèce, nous recevons le 7 avril, Christian Eckert, ministre délégué au budget.

• les ATELIERS DE L’OCDE
Au nombre de 6, organisés par Françoise Crouïgneau, ils ont réuni au Château de la Muette nos consœurs et confrères de l’AJEF auxquels se sont joints d’autres professionnels sur des thèmes liés à la sortie de crise, à ses impacts sociaux, à la nouvelle Afrique au regard de l’économie mondiale, aux tensions économiques dans un monde en mutation, et, en ce qui concerne la France, les pièges et opportunités de l’arme fiscale et, dans un autre domaine, la façon dont le pays doit affronter les défis de demain en matière de technologie et d’économie numérique.

• les ATELIERS DE l’ECONOMIE A BERCY
Il s’agit là du traditionnel point faible de notre action. Très utiles pour permettre de déchiffrer les dossiers d’actualité, ces Ateliers, placés sous la responsabilité de Christian Ménanteau et de Philippe Plassart, se heurtent régulièrement à une pesanteur éprouvante de Bercy, notamment auprès des directeurs et directrices que nous souhaitons recevoir. D’où des réticences liées également à la mise en place des nouvelles équipes à Bercy qui nous ont permis d’organiser un seul Atelier 2014 sur le Très haut débit.

• les AMPHIS DE L’AJEF
Au fil des ans, ces Amphis dont Alain Vernholes assure la programmation et l’animation avec Gérard Horny, connaissent un succès qui ne se dément pas. Après avoir dû réduire leur nombre en 2013-2014 pour des raisons financières, le partenariat que nous avons noué avec le Lycée Louis le Grand nous a permis d’organiser 8 Amphis pour le cycle 2014-2015 autour de « Croissance perdue, croissance retrouvée ». Avec à chaque fois des intervenants de grande qualité qui ont su intéresser, voire séduire, un public varié et composé en grande partie d’étudiants, ce qui est notre but.

• les ASSISES MEDIAS ENTREPRISES
Ces Assises sont l’innovation de cette année 2014. Destinées à renforcer notre action pédagogique sur l’économie et le monde de
l’entreprise, elles se sont déroulées le 3 décembre dernier au Lycée Louis le Grand autour de deux tables rondes : « Comment tirer profit de la révolution numérique » et « Nouveau métiers, nouveaux médias du XXIème siècle », en présence d’une quinzaine d’acteurs et d’observateurs de la révolution numérique. Elles ont été d’une grande qualité mais, pour des raisons liées à l’organisation, les participants, ont été en nombre très insuffisant. D’où les leçons à tirer pour la prochaine édition.

• AUTRES MANIFESTATIONS ET PARTENARIATS
L’AJEF a poursuivi l’année dernière sa présence active aux Journées Economiques de Lyon (JECO), à la Journée du Prix du livre d’Economie, au jury du Prix du meilleur article financier, aux Assises de la presse…

Les PERSPECTIVES POUR 2015

Toutes ces activités ont été d’une grande exigence au regard des capacités humaines de notre Bureau, nécessairement limitées et déjà très sollicitées par l’actualité. Au plan financier, il a fallu pallier la régression du nombre d’adhérents que nous connaissons depuis plusieurs années tout en faisant face à des charges fixes importantes. D’où la création du Club de l’AJEF qui s’est concrétisée en 2014 et qui nous a permis de financer les Assises Médias Entreprises ainsi que le fonctionnement quotidien de l’association. Le rapport du Trésorier permettra de donner quelques explications complémentaires sur le sujet.

L’exercice 2015 est une année charnière pour l’AJEF, tant au plan de son assise financière que de celui de sa gouvernance. Il nous faut retrouver en nombre les Partenaires qui nous ont accompagnés l’année dernière, faute de quoi nous ne pourrons plus faire face au coût de nos activités. Nous voulons engager la refonte du site internet ce qui implique aussi un lourd investissement.

Pour ce qui est de la gouvernance de l’association, notre assistante, Sylvie Lanici va prendre sa retraite en juillet et se délocaliser vers des contrées au climat plus ensoleillé, à savoir la région nîmoise. Sylvie a passé de longues années quotidiennement à nos côtés. Son professionnalisme, sa disponibilité au service de nos adhérents, sa connaissance du monde de la presse et …son sourire ont beaucoup contribué à la bonne marche de l’association et aux succès des différentes opérations que nous avons conduites. Elle va beaucoup nous manquer et je tiens, en votre nom à tous, à lui adresser nos plus vifs remerciements pour sa présence et son engagement et à lui souhaiter une poursuite d’activité au moins aussi intense, aussi riche de rencontres et de discussions animées là où elle a choisi de planter sa tente pour se lancer dans de nouvelles aventures.

Il nous faudra naturellement la remplacer à l’horizon de la rentrée prochaine, ce qui ne sera pas facile compte tenu du profil exigé.

Il nous faudra aussi réfléchir aux instances dirigeantes de l’AJEF. Pour ma part, j’ai déjà indiqué, l’année dernière, que je souhaitais prendre un peu de champ après une bonne dizaine d’années de présidence ou de vice-présidence de l’AJEF. Je crois que Françoise Crouïgneau voudrait également réduire un peu le rythme de son engagement.
Pour autant, nous nous présentons tous deux au renouvellement du Bureau, signe que, dans notre esprit, cette nécessaire transition doit s’effectuer en douceur pour être menée à bien.
Cette volonté d’assurer à l’AJEF solidité et continuité, c’est là le sens de la candidature que présente en bloc le Bureau sortant aux fins de renouvellement de son mandat.

Je suis naturellement très sensible à ce souhait de replonger tous ensemble dans le bain d’une association qui, l’année prochaine, va célébrer ses 60 ans au service de la liberté de la presse et d’une qualité d’information sans cesse maximale. Françoise Crouïgneau, Christian Ménanteau, Anne-Marie Rocco, Cyrille Lachèvre, Philippe Mabille, Philippe Plassart, Jean-Paul Chapel, Philippe Escande, qu’ils soient ici vivement remerciés pour leur chaleureuse présence qu’ils vont continuer à assurer en 2015. Un grand bravo et un immense merci également à Alain Vernholes qui n’a pas souhaité se représenter après, lui aussi, bien des années d’activités au Bureau, tout en précisant qu’il compte bien poursuivre son action à nos côtés, au service des Amphis de l’AJEF.

Je m’arrête là pour ne pas céder à l’émotion et invite notre Trésorier à vous présenter son bilan financier avant d’ouvrir la discussion puis de vous inviter à partager avec nous le traditionnel pot de l’amitié, un moment presque aussi important que les précédentes étapes qui ont marqué cette Assemblée générale.
Merci à tous.

patrick-artus-xavier-ragot

Petit-déjeuner avec Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis et Xavier Ragot, président de l’OFCE

– Patrick Artus: En l’absence de politiques incitatives, le surcroit de croissance des prochains mois ne provoquera pas de reprise de l’investissement ; Xavier Ragot : un cercle vertueux peut s’engager et permettre une reprise de l’investissement
-Plan Juncker : Patrick Artus : On ne manque pas tant d’argent que de projets cohérents. Xavier Ragot : Insuffisant, économiquement, ce Plan est politiquement fin car il exclue les nouvelles dépenses des Etats des 3% de déficit de Maastricht.

Encourageant à court terme, le diagnostic de Patrick Artus l’est nettement moins à moyen ou long terme. Pour le directeur de Recherche et des Etudes de Natixis, la conjonction d’un faible coût du pétrole, d’une baisse de l’euro et de taux d’intérêt « zéro » permettra de porter la croissance à 2% peut-être en 2015 et d’engranger « dans les 16 à 18 mois prochain », une hausse de 1,2 point de PIB du revenue réel dans la zone euro. Une bonne nouvelle pour les ménages et les entreprises mais la question de l’ «après » se pose. Que fera-t-on de ce surcroit de croissance ? En clair, l’investissement va-t-il reprendre ? La réponse est « non », « en l’absence de politiques d’incitation notamment en France, en Allemagne et en Italie ».

Car si la nature même des cures d’austérité imposées en Espagne, au Portugal et, surtout, en Grèce peut susciter la critique – «il aurait mieux fallu faire payer les riches que les pauvres et préserver la santé et l’éducation »- l’austérité s’imposait dans des pays qui, contrairement aux émergents confrontés à une crise de balance des paiements, ne pouvaient jouer de la dépréciation du taux de change, en zone euro. Et si l’on en juge par le cas de l’Espagne, « l’austérité paye ». La compétitivité s’est nettement redressée et les investisseurs étrangers reviennent. Mais « 70% des gains de parts de marché des Espagnols ont été pris à la France et l’Italie ». L’Italie lui semble, d’ailleurs, le « vrai sujet » d’inquiétude. Les investissements baissent, les exportations s’effondrent. Ce pays, « le plus malade » de la zone euro risque « l’explosion dans les prochaines années ».

D’accord sur le diagnostic conjoncturel, Xavier Ragot n’en tire pas les mêmes conclusions. Pour le président de l’OFCE, le « facteur demande » va tirer la croissance de la zone euro et créer un cercle vertueux favorable à l’investissement. D’autant qu’on a pris conscience des excès de l’austérité imposée en début de crise. Le chef économiste du FMI Olivier Blanchard l’a reconnu. Et le « Plan Juncker » en tire les leçons qui devrait assurer entre 0,5 et 0,7% de croissance supplémentaire.

Il était temps. L’« erreur européenne massive » des débuts de crise a « créé du chômage inutile » qu’on mettra du temps à résorber. Se présentant comme un « keynésien éclairé », Xavier Ragot, après avoir salué la politique du président de la BCE Mario Draghi qui a permis de faire baisser l’euro, dénonce le fait que l’ « Allemagne est maladivement excédentaire » et représente, à elle seule 8%, des exportations de toute la zone euro ». Ce n’est pas, selon lui, un problème d’innovation ou de taux de marge des entreprises – qui a été rétabli en France, sur ce point, nos deux intervenants sont d’accord- . Mais un problème de salaires. Les Grecs ont connu une « dévaluation interne de 20 à 30% », les Allemands une « réévaluation interne de 20% ». Bref, nous sommes confrontés à une mauvaise allocation du capital.

Pour Patrick Artus, cette interprétation est erronée. Les coûts salariaux unitaires sont pratiquement les mêmes en France, en Allemagne et en Italie. En outre, l’Allemagne enregistre un déficit commercial avec la zone euro, ce qui n’était pas le cas avant la crise, grâce à sa capacité à exporter hors zone euro. La vraie difficulté, à ses yeux, tient à un excédent d’épargne Outre Rhin : les Allemands ne prêtent plus aux européens mais au reste du monde. Le véritable enjeu du Plan Juncker est de ramener en Europe cette épargne financière. Or, si la BCE a permis de baisser les taux à leurs plus bas niveaux, cette politique peut, à terme se révéler dangereuse. Le risque n’étant plus valorisé sur les marchés, on pourrait connaitre un « réveil douloureux dans 2 à 3 ans ».

Xavier Ragot ajoute un élément culturel au débat et aux dangers futurs : « l’Union européenne n’a pas encore de vision cohérente sur la solvabilité des Etats ». Entre le « fédéralisme budgétaire à l’Allemande -un land ne peut pas faire faillite, mais après l’avoir « puni », on le sauve »- et le « fédéralisme à l’Américaine où on peut laisser un Etat faire défaut, les tensions persistent entre Européens. Avec le risque de « punir un Etat et de le voir faire défaut ».

Reste à savoir comment relever le potentiel de croissance de la zone euro à long terme. Le « Plan Juncker » consistant à injecter 105 milliards d’euros pour libérer, par effet de levier, quelque 315 milliards d’euros d’investissements publics et privés en trois ans dans des projets européens d’avenir, sera-t-il suffisant pour changer la donne ? Pour Patrick Artus, « ce n’est pas tant l’argent qui manque mais des projets cohérents ». Si Xavier Ragot renchérit en soulignant qu’en termes économiques, le « plan Juncker est trop petit, il est fin politiquement » : il ne fait pas entrer la participation financière des Etats membres dans la comptabilité de leurs déficits publics, fixés à 3% de pib par le traité de Maastrich.

Mouvements et nominations de Février 2015

Philippe Mabille (membre du bureau de l’Ajef) a été nommé directeur de la rédaction de La Tribune. Il était auparavant directeur adjoint. Robert Jules devient directeur adjoint de la rédaction, plus particulièrement en charge du développement du site et du quotidien numérique. Il était auparavant rédacteur en chef.

Frédéric Garlan, chef du département économique, deviendra en  avril  chef du bureau de l’AFP à Lyon.

Renouvellement du bureau de l’AJIS

Les membres du comité directeur élus lors de l’assemblée générale ordinaire du 29 janvier 2015 se sont réunis hier, et ont désigné les 6 membres du bureau de l’association :

M. Manuel JARDINAUD (Liaisons Sociales Magazine et wk-rh.fr), président ;
Florence MEHREZ (actuEL-RH), vice-présidente ;
Mme Véronique HUNSINGER (journaliste pigiste), secrétaire générale ;
M. Guillaume GUICHARD (Le Figaro) secrétaire général adjoint ;
Mme Bénédicte FOUCHER (Protection Sociale Informations), trésorière ;
Mme Marion ESQUERRÉ (journaliste pigiste), trésorière adjointe.

Retrouvez l’ensemble des membres des instances de l’AJIS sur le site de l’association >

Mouvements et nominations de Janvier 2015

Thierry Vial devient rédacteur en chef de PME Magazine.

Gabriel Joseph-Dezaize devient directeur éditorial pour la Harvard Business Review France.

Manuelle Tilly devient journaliste en charge du courtage d’assurance et des grands risques à La Tribune de l’Assurance, en remplacement de Stéphane Tuffery, nommé rédacteur en chef.

Anne-Sylvaine Chassany devient directrice du bureau du Financial Times à Paris.

Intervention de Serge Marti aux voeux d’Emmanuel Macron

Face à l’inquiétude des journalistes, dès jeudi 29 janvier au soir, le gouvernement décidait de demander le retrait de l’amendement « secret des affaires ».

A l’issue de la cérémonie des vœux, le ministre a reçu une petite délégation de journalistes, dont le président de l’Ajef, sur l’amendement de la « loi Macron » concernant le secret des affaires, jugé des plus dangereux par la profession pour la liberté d’expression, d’investigation et d’information. Après avoir, lors des questions réponses, indiqué que des amendements étaient à l’étude et que « si des précisions doivent encore être apportées, elles seront les bienvenues », Emmanuel Macron, sensible aux arguments de la délégation, s’est engagé à étudier rapidement ce dossier qui nous parait vital.

Intervention de Serge Marti

Bonjour à tous

Merci de participer à cette cérémonie des vœux à la Presse organisée sous l’égide de M. Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique

Bonjour Monsieur le ministre.

Permettez moi, au nom de l’Association des Journalistes Economiques et Financiers, l’AJEF, de vous remercier pour le respect de cette, tradition qui veut que le président de l’AJEF (ou la présidente) s’adresse de vive voix et en direct à nos consœurs et confrères mais aussi à vous, Monsieur le ministre, à vos collaborateurs et à tous les personnels de l’administration de Bercy.

D’ordinaire, cette cérémonie des vœux est un moment d’échange privilégié plutôt convivial, quelquefois même assez joyeux. Aujourd’hui, vous le comprendrez, mon propos sera un peu solennel et malheureusement empreint d’une grande tristesse, d’une immense colère aussi après la tragédie qui a frappé notre nation lors de ces dates funestes des 7, 8 et 9 janvier.

Ces jours-là, à Charlie Hebdo, ce sont des journalistes, caricaturistes ou non, et certains de leurs collègues qui ont été froidement abattus. Ce sont aussi des policiers, qu’on appelait il n’y a pas si longtemps des gardiens de la paix, d’autres citoyens français, de confession juive, musulmane, ou autre, si tant est que cette distinction ait encore un sens, qui ont été assassinés.

A ce titre, ils sont tous des nôtres et méritent largement cet hommage posthume que nous devons, entre autres, aux caricaturistes de Charlie Hebdo

Aux côtés de ces dessinateurs de presse irrévérencieux réunis en conférence de rédaction, figurait ce jour-là un autre impertinent, un autre pourfendeur du politiquement correct, du prêt à penser Je veux parler bien sûr de Bernard Maris ou plutôt d’« Oncle Bernard » puisque tel était son nom de plume à Charlie Hebdo, un journal qu’il a soutenu depuis ses débuts.

Louangé aujourd’hui, un peu tardivement diront certains, ce libre-penseur de l’économie qui, dans sa jeunesse, voulait être journaliste, a mis en effet bien du temps avant d’être reconnu par ses pairs, à défaut d’être réellement accepté. Il faut dire qu’il ne les a guère épargnés. Son livre « Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles », doublée de ses « Anti-manuels d’économie » – quelques uns parmi la quinzaine d’ouvrages qu’il aura commis en près de 30 ans – auront froissé plus d’un tenant de la vision académique de l’économie et d’une certaine forme de pensée unique.

Le docteur en sciences économiques et agrégé qu’il était, passé par l’Université de l’Iowa et par Paris VIII où il avait enseigné de nombreuses années, siégeait aussi depuis quelque temps au Conseil général de la banque de France.

C’était là l’une des nombreuses facettes de ce toulousain, volontiers rieur compulsif et adepte de la galéjade, mais capable de redevenir très sérieux lorsqu’il s’agissait en toute choses et notamment en économie, de privilégier le débat contradictoire, l’examen critique des idées reçues et l’accueil aux idées neuves.

Nous ne sommes pas tenus de partager les convictions d’ « Oncle Bernard », pas plus que d’épouser ses combats, ses a priori et ses emportements, aussi nobles soient ils. Mais il n’est pas déplacé de revendiquer une petite part d’héritage.

Au sein de l’Association des journalistes économiques et financiers qui fêtera l’année prochaine ses 60 ans d’existence, par le biais de nos différentes activités, des Ateliers de Bercy et de l’OCDE, des Amphis de Louis le Grand, gratuits et ouverts à tous, des Assises Médias Entreprises dont nous avons organisé la première édition en décembre dernier, c’est certainement cet esprit de dialogue, de meilleure compréhension de l’économie que nous cherchons nous aussi à promouvoir. Au service des professionnels de l’information mais également du grand public dont on dénonce régulièrement le manque de culture économique, négligeant trop souvent le solide bon sens dont il sait aussi faire preuve.

Et c’est dans ce même esprit que nous vous adressons, Monsieur le ministre, une invitation officielle à être le prochain invité des traditionnels Petits déjeuners de l’AJEF. Une fois bien sûr achevé le marathon parlementaire qui vous mobilise un peu en ce moment à propos de ce qu’il est convenu d’appeler « la loi Macron »

Voilà une transition toute naturelle pour vous dire que le devoir de bien informer suppose qu’il puisse s’exprimer en toute liberté et sans contrainte, politique économique ou d’une autre nature. A cet égard, nous devons vous faire part, M. le Ministre de notre incompréhension et de notre vive inquiétude à propos de cet amendement présenté en catimini en marge de cette loi qui porte votre nom et qui, sous couvert de lutter contre l’espionnage industriel, au nom du « secret des affaires », constitue en fait une arme de dissuasion massive à l’encontre du travail des journalistes, de leur liberté d’enquêter et de publier.

Ce texte vise notamment à sanctionner les contrevenants pour, je cite : « une information non publique qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables » et qui a « une valeur économique ». Au cas où on l’aurait oublié, notre métier consiste justement à révéler des informations d’intérêt public, non autorisées, pour les porter à la connaissance des citoyens. Etre privés de ce droit, inscrit dans la loi sur la presse, rend impossible la libre information des Français sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique de notre pays.

Dans la mesure où cet amendement liberticide vise les journalistes mais aussi les lanceurs d’alerte dont la contribution à la vie démocratique est essentielle, cela signifie que le grand public n’aurait jamais entendu parler du scandale du Médiator ou des prothèses mammaires PIP, de l’amiante, de l’affaire LuxLeaks, des autres affaires UBS et HSBC sur l’évasion fiscale, des dossiers Karachi ou Tapie-Crédit Lyonnais pour ne citer que quelques scandales emblématiques. La simple révélation d’un projet de plan social pourrait elle aussi tomber sous le coup de la loi si cet amendement était adopté.

Une disposition prévoit même que la justice puisse empêcher la publication ou la diffusion d’une enquête. Dans le cas où le journaliste violerait ce « secret des affaires », il encourt 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende…le même prix que l’abus de biens sociaux… Une peine doublée lorsque je cite « l’infraction est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques de la France », une définition assurément patriotique mais dont l’interprétation, vous le reconnaîtrez, ouvre la voie à bien des abus.

La menace est réelle, elle n’est pas nouvelle. A l’automne 2011, déjà, nous avions été auditionnés, en tant qu’association de journalistes économiques par Bernard Carayon, alors député de la majorité et rapporteur d’une première proposition de loi « visant à sanctionner la violation du secret des affaires ». Nous lui avions alors formulé notre refus catégorique d’avaliser des dispositions empêchant le libre exercice de notre métier.

En faisant remarquer au passage à ledit député qu’en tant que président de la Fondation Prometheus, un lobby qui regroupe les grandes firmes de l’armement, de l’aéronautique, de la pharmacie – dont chacun connaît l’empressement avec lequel elles facilitent le travail des journalistes – le risque de conflit d’intérêts dans lequel il se trouvait, méritait au moins d’être évoqué.

Depuis, une autre tentative, heureusement avortée, a eu lieu au Sénat et aujourd’hui le sous-marin refait surface a l’Assemblée. Avec les mêmes dispositions qui sont aussi inacceptables qu’avant. Et qui nous conduisent à demander le retrait pur et simple de cet amendement contraire à la liberté de la presse.

Inacceptables, ces dispositions le sont en tant que telles mais aussi parce qu’elles sont en totale contradiction avec les engagements du gouvernement et la parole du président de la République.

Conscient des entraves à la liberté d’informer auxquelles nous sommes confrontés, le Conseil des ministres avait adopté en juin 2013 un projet de loi « visant à renforcer la protection du secret des sources des journalistes ». Depuis cette date, le projet était resté au stade de projet justement. Mais le chef de l’Etat a déclaré tout récemment, le 19 janvier, à l’occasion des 70 ans de l’Agence France presse qu’il « s’engageait » personnellement, ce st ses termes à ce que ce texte soit examiné au Parlement cette année.

Nous sommes naturellement convaincus que cet engagement présidentiel sera tenu. La logique et la vie démocratique du pays voudraient que cette démarche aboutisse enfin. Et qu’elle s’accompagne du retrait de cet amendement dont nous contestons le bien fondé et l’inévitable exploitation qui en serait faite pour museler la presse.
Informer n’est pas un délit. C’est au contraire une mission citoyenne qu’il faut protéger.

C’est donc sur cet espoir que je concluerai mon propos en vous souhaitant, au nom de l’AJEF à vous Monsieur le ministre ainsi qu’à vos proches, à vous tous, collaborateurs et membres de l’administration de Bercy et bien sûr à tous mes collègues, consoeurs et confrères que je remercie pour leur fidélité, tous nos vœux.
De paix et de bonheur.

Mais aussi de liberté d’expression préservée à tout prix.

Je vous remercie.

Intervention de Serge Marti aux voeux de Michel Sapin

Bonjour à tous

Merci de participer à cette cérémonie des vœux à la Presse organisée sous l’égide de Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.

Bonjour Monsieur le ministre.

Permettez moi, au nom de l’Association des Journalistes Economiques et Financiers, l’AJEF, de vous remercier pour le respect de cette tradition qui veut que le président de l’AJEF (ou la présidente) s’adresse de vive voix et en direct à nos consœurs et confrères mais aussi à vous, Monsieur le ministre, à vos collaborateurs et à tous les personnels de Bercy.

D’ordinaire, cette cérémonie des vœux est un moment d’échange privilégié plutôt convivial, quelquefois même assez joyeux. Aujourd’hui, vous le comprendrez, mon bref propos sera un peu solennel et malheureusement empreint d’une grande tristesse, d’une immense colère aussi après la tragédie qui a frappé notre nation lors de ces dates funestes des 7, 8 et 9 janvier.

Ces jours-là, à Charlie Hebdo, ce sont des journalistes, caricaturistes ou non, et certains de leurs collègues qui ont été froidement abattus. Ce sont aussi des policiers, des citoyens français, de confession juive, musulmane, catholique, si tant est que cette distinction ait encore un sens, qui ont été assassinés. A ce titre, ils sont tous des nôtres et méritent largement cet hommage posthume que nous devons, entre autres, aux caricaturistes de Charlie Hebdo.

Aux côtés de ces dessinateurs de presse irrévérencieux, figurait un autre impertinent, un autre pourfendeur du politiquement correct, du prêt à penser, qui était lui aussi, à sa façon, un caricaturiste à la plume bien trempée, pourfendeur des idées fausses et des politiques qui, selon lui, le sont parfois au moins autant.

Je veux parler bien sûr de Bernard Maris ou plutôt d’« Oncle Bernard » son nom de plume à Charlie Hebdo, un journal qu’il a toujours soutenu.

Louangé aujourd’hui, ce libre-penseur de l’économie qui voulait d’abord être journaliste, a mis pourtant bien du temps à être reconnu par ses pairs, à défaut d’être réellement accepté. Il faut dire qu’il ne les a guère épargnés. Sa « Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles», doublée de ses « Anti-manuels d’économie », quelques uns parmi la quinzaine d’ouvrages qu’il aura commis en un peu plus de 30 ans auront froissé plus d’un tenant de la vision académique de l’économie et d’une certaine forme de pensée unique.

« Un dessin qui ne dérange pas, qui ne choque pas quelqu’un est un dessin raté », aimaient à dire les caricaturistes de Charlie Hebdo. « Oncle Bernard » était de cette école. Adepte de la transgression et de l’indiscipline économique mais aussi patient pédagogue d’une lecture de l’économie qu’il aimait déchiffrer à sa façon, lecteur assidu de Keynes et de Marx mais aussi de Hayek, Bernard Maris était certes un adversaire acharné du crédo néo-libéral mais surtout un économiste engagé pour un monde et une société qu’il voulait plus équitables.

Le docteur en sciences économiques et agrégé qu’il était, passé par l’Université de l’Iowa et par Paris VIII où il avait enseigné de nombreuses années, siégeait aussi depuis quelques années au Conseil général de la banque de France. En marge de ses nombreuses chroniques, il lui arrivait aussi d’être romancier et un tantinet farceur ; témoin cet ouvrage intitulé « Pertinentes questions morales et sexuelles sur le Dakota du nord » écrit en 1995.

C’était là l’une des nombreuses facettes de ce toulousain, rieur compulsif et adepte de la galéjade, mais très sérieux lorsqu’il s’agissait de faire comprendre la nature réelle des faits économique, le besoin impérieux de les associer à d’autres sciences humaines, à commencer par la sociologie et l’histoire et, surtout, surtout de privilégier en toute choses et notamment en économie, le débat contradictoire, l’examen critique des idées reçues, la porte ouverte aux idées neuves, de préférence quand elles dérangent l’ordre établi.

Nous ne sommes pas tenus de partager les convictions d’ « Oncle Bernard », pas plus que d’épouser ses combats et ses emportements. Mais au sein de l’Association des journalistes économiques et financiers qui fêtera l’année prochaine ses 60 ans d’existence, par le biais de nos différentes activités, des Ateliers de Bercy et de l’OCDE, des Amphis de Louis le Grand, gratuits et ouverts à tous, des Assises Médias Entreprises dont c’était la première édition en décembre dernier, c’est certainement cet esprit de dialogue, de meilleure compréhension de l’économie et d’une bonne connaissance de ses acteurs que nous cherchons nous aussi à promouvoir. Au service des professionnels de l’information mais également du grand public dont on dénonce régulièrement le manque de culture économique, négligeant trop souvent le solide bon ses dont il sait aussi faire preuve.

L’actualité du moment, au lendemain du Forum économique de Davos, auquel vous avez participé, M. le ministre en compagnie du président de la République, le résultat des élections générales en Grèce et son écho dans le reste de l’Europe, les importantes réunions de l’Eurgroupe et de l’Ecofin qui se sont tenues à Bruxelles en fin de semaine, de même que les questions qui demeurent sur la politique économique de la France, sont autant de sujets propices à discussion et à explication. Des questions importantes sur lesquelles nous avons hâte de vous entendre à présent, Monsieur le ministre.

Pour terminer, permettez-moi, au nom de l’AJEF, dans un contexte un peu particulier cette année, de vous présenter à vous Monsieur le ministre ainsi qu’à vos proches, à tous vos collaborateurs et personnels de Bercy et bien sûr à tous mes consoeurs et confrères que je remercie pour leur fidélité, tous nos vœux

En vous souhaitant à tous une année de paix et de bonheur.

Et de liberté d’expression préservée à tout prix.

Je vous remercie.