« Un défi à relever d’urgence : renforcer la productivité tout en veillant à ce que les fruits de la croissance économique soient partagés par tous », avec Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE, mardi 24 mai

Publié le 15 mai 2016

Un défi rendu complexe par la période de transition que nous traversons et des contraintes parfois contradictoires : moindre croissance mondiale, dangereuse montée des inégalités, retombées encore mal cernées de la révolution numérique, impératifs environnementaux.

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  • Croissance faible, chômage, inégalités, perte de confiance des opinions publiques: l’héritage de la crise reste lourd
  • Conjuguer hausse de la productivité et bien être de chacun implique d’innover en matière d’éducation, de santé, d’emplois
  • Il faut augmenter de 0,5% les investissements dans les projets ayant des effets multiplicateurs comme les infrastructures

Le constat dressé par le secrétaire général de l’OCDE est préoccupant : la croissance mondiale ne dépassera guère 3% cette année alors qu’elle était de 4% il y a huit ans, avant que n’éclate la crise; le chômage reste élevé; un temps les locomotives de l’économie mondiale, les pays émergents voient leur croissance ralentir lorsqu’ils ne sont pas, comme le Brésil ou la Russie, en récession. Le commerce international qui devrait augmenter à un rythme de 7% ne progresse que de 3% et les investissements, deux fois moins élevés que ce qu’ils devraient être, n’ont toujours pas rattrapé leur niveau d’avant la crise. Une crise dont « l’héritage est encore aujourd’hui lourd pour la croissance, le chômage, les inégalités et la perte de confiance des opinions publiques dans les institutions, les politiques, les banques » s’inquiète le secrétaire général pour qui « tout ce qu’on a bâti durant 100 ans » semble remis en cause.

Comment inverser la tendance et augmenter une productivité dont l’augmentation reste faible -0,7% l’an entre 2008 et 2015 contre1,7% entre 2000 et 2007- en évitant le double piège de licenciements massifs et d’une « redistribution d’un gâteau qui n’augmente pas » ? Des pistes de réponses seront recherchées lors du Forum et de la ministérielle de l’OCDE du 31 mai au 2 juin 2016 dont le thème majeur estla quête d’une « productivité et croissance inclusive ». Une terminologie « délicieusement provocatrice » reconnait Angel Gurria qui rappelle aux sceptiques que lorsque l’OCDE s’est lancée dans la promotion d’une « croissance verte », désormais entrée dans tous les esprits, l’Organisation s’était heurtée aux critiques de ceux qui ne voyaient pas comment conjuguer les contraintes de la croissance et de l’environnement. Cette fois-ci, il s’agit de trouver les moyens de renforcer la productivité pour doper la croissance sans mettre à mal ce qui constitue le bien être de chacun, l’éducation, la santé, l’emploi.

Un exemple: comment profiter des atouts du numérique qui, avec la robotisation, pourrait menacer 9% des emplois selon les dernières études de l’Organisation -et non 47% comme certains experts l’ont affirmé- ? La réponse est claire pour le secrétaire général : « la compétence » autrement dit, l’éducation, la formation –« sans réinventer la roue, mais en réallouant les crédits formation »- et l’innovation, donc les investissements. Comme 8 années de consolidation budgétaire et de supervision des banques ont rendu le système financier plus stable, il existe aujourd’hui « un espace pour investir plus dans des projets ayant des effets multiplicateurs ». Aussi Angel Gurria lance un appel pour que soient augmentés de 0,5% les investissements dans ce type de projets, « idéalement dans les infrastructures ». Un appel à une hausse des dépenses publiques qui s’adresse au premier chef aux pays qui, comme l’Allemagne, disposent d’une marge de manœuvre budgétaire. Mais pas uniquement. Car de telles dépenses publiques, si elles augmenteront légèrement la dette publique, au début, enclencheront une plus forte croissance au bout de 2 à 3 ans et aboutiront à une réduction du ratio dette sur pib.

Un appel qui n’empêche nullement que des réformes soient menées à bien jusque dans les grands pays qui, tels l’Allemagne et la France, n’ont pas été malmenés par les marchés financiers contrairement à l’Irlande, le Portugal, l’Italie, la Grèce. Et n’ont pas ressenti l’urgence de devoir s’adapter à de nouvelles réalités. Sur ce terrain, Angel Gurria salue la réforme du marché du travail française « qui rend plus claires les conditions de licenciement économique». S’il reconnait que « la diminution du chômage ne sera que graduelle », il rappelle qu’après avoir entériné de difficiles mesures d’assouplissement du marché du travail, l’Italie, par exemple, en touche les fruits et a pu créer 2 millions d’emplois. Bref, en dépit des réticences au changement, il faut accepter d’évoluer.

F.C.

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