Petit-déjeuner avec Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE

Publié le 10 octobre 2013

Le mercredi 9 octobre 2013 , nous avons eu le plaisir d’accueillir Jean-Claude Trichet, ancien président de la BCE, sur le thème « Les priorités de l’Union européenne pour consolider la zone euro dans un monde financier incertain »

jean-claude-trinchet

– La situation demeure excessivement grave dans les pays avancés
– Vu de Shanghai ou des Etats-Unis la monnaie et la zone euro sont solides
– Pour légitimer les mesures d’ajustement, il faut donner plus de pouvoirs au Parlement européen
-La prochaine crise pourrait venir du pays émergent le plus négligent

Tirant les enseignements de la crise financière qui a commencé en 2007 Outre-Atlantique et dont l’épicentre s’est déplacé, fin 2009, en Europe avec la crise de la dette souveraine, Jean-Claude Trichet, Président de la BCE de 2003 à 2011, a estimé que d’importants progrès ont été réalisés. Le Pacte de stabilité et de croissance a été renforcé; le tableau de bord de11 indicateurs permettant de surveiller l’évolution macroéconomique des pays membres (la MIP) est désormais « aussi important » que ce pacte ; l’Union bancaire a avancé. Non seulement les responsables européens et mondiaux ont préservé l’intégrité de la zone euro –la Grèce n’a pas été expulsée- mais après des politiques d’ajustement très sévères pour l’emploi, les progrès sont aujourd’hui patents en Irlande, réels au Portugal et « colossaux » en Espagne. Au total, la gouvernance au sein des 17 a progressé et la crédibilité de la BCE a été confortée.

Il n’empêche: « la situation demeure excessivement grave » dans les pays avancés. Les taux d’intérêt de pratiquement zéro depuis cinq ans aux Etats-Unis et en Grande Bretagne sont là pour le rappeler. Les déficits japonais restent impressionnants, tout comme l’endettement britannique ou américain. Au-delà même des risques du « shutdown » américain, la nomination de Yanet Yellen pour prendre la succession de Ben Bernanke ne peut apporter de solution miracle, en dépit de toutes ses qualités pour devenir une « grande présidente de la Fed »

Pourtant, dans ce contexte, l’euro a maintenu la confiance qui lui était accordée. Et Jean-Claude Trichet de rappeler que cette zone de 335 millions d’habitants, a crée depuis sa naissance, en 2001, et jusqu’au 2ème trimestre 2013, quelque 12,9 millions d’emplois contre 12,3 millions aux Etats-Unis. A présent, elle regroupe 17 pays depuis l’entrée de la Slovaquie et de l’Estonie et devrait passer à 18 membres au 1er janvier 2014 avec l’arrivée de la Lettonie, signe de l’intérêt qu’elle continue à susciter. « Les Européens ne sont malheureusement pas très conscients de cette réalité historique ». Mais « vu de Shanghai ou des Etats-Unis, la monnaie et la zone euro sont solides »

Sur l’avenir du couple franco-allemand, chahuté par les divergences économiques entre les deux pays, Jean-Claude Trichet rappelle qu’il n’y a pas de fatalité à la chute de compétitivité de la France. Il suffit de se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps c’était l’Allemagne le « malade de l’Europe » pour s’en persuader. Mais il met en garde les Allemands qui voudraient profiter de leurs succès pour obtenir un poids accru dans les droits de vote au sein de la BCE. Il serait « dangereux » à ses yeux, d’aboutir à une « renationalisation » de la politique de la BCE fondée, depuis Maastricht, sur le principe un pays une voix. Au passage, Jean-Claude Trichet trouve « incroyable » que les Allemands ne donnent pas un « coup de chapeau » à la BCE qui a maintenu l’inflation à 2,4% sur 15 ans en moyenne, faisant ainsi mieux que la Bundesbank (2,9% en moyenne en 40 ans jusqu’à la création de la monnaie unique)

En revanche, il lui semble important de « rendre plus démocratiques les mesures d’ajustement » au sein de l’Union en donnant « plus de pouvoir au Parlement » – qui sera renouvelé lors des élections de mai prochain. L’ancien président de la BCE reconnait qu’une telle option n’est guère du goût des gouvernements ou de la Commission européenne. Mais le Parlement pourrait, par exemple, se voir attribuer un rôle « d’arbitre » entre les demandes de mesures d’ajustement du Conseil ou de la Commission européenne et un pays amené à en contester le bienfondé.

Interrogé sur les crises futures alors que le FMI s’inquiète de la situation dans certains pays émergents, Jean-Claude Trichet reconnait que « le monde change à une telle vitesse » que nous connaitrons forcément de nouveaux « tremblements de terre et des tsunamis ». Si les pays avancés ne font pas le nécessaire –réformes et redressement des finances publiques-, ils prépareront le « prochain épisode de la crise». S’ils font le nécessaire, « la prochaine crise viendra sans doute du pays émergent le plus négligent ».