Petit-déjeuner avec Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE

Publié le 6 avril 2013

Le vendredi 5 avril 2013, nous avons eu le plaisir d’accueillir Benoit Coeuré, membre du directoire de la BCE, sur le thème « La stratégie et les marges de manoeuvre de la BCE »

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. Des « aléas négatifs » pèsent sur la reprise dans la zone euro
. La faiblesse de l’inflation par rapport aux objectifs de 2% de la BCE devient « préoccupante »
. Aux gouvernements de faire leur part du chemin pour faciliter l’attribution de crédits à l’économie réelle

Le constat est lourd d’incertitudes. S’il existe des éléments positifs, comme « une demande extérieure porteuse de bonnes nouvelles » pour certains pays comme l’Espagne, la faiblesse de la demande interne et le mauvais fonctionnement du crédit comme relais de croissance constituent autant d’ «aléas négatifs » pesant sur l’espoir d’une reprise dans la zone euro, a souligné Benoît Coeuré. Un espoir déjà ténu puisqu’après un recul du pib de 0,5% en moyenne cette année, la zone euro pourrait connaitre une croissance limitée à 1% l’an prochain. Ces éléments d’incertitudes n’ont pas poussé la BCE à baisser ses taux d’intérêt directeurs lors du Conseil des gouverneurs du 4 avril. Mais ils seront suivis avec d’autant plus d’attention que l’inflation « s’écarte à la baisse » de l’objectif de 2% à moyen terme de la Banque Centrale Européenne : les prévisions de l’institution de Francfort tournent autour de 1,6% en moyenne cette année et tablent sur un rythme encore inférieur en 2014 ce qui est « préoccupant». En d’autres termes le risque de déflation existe bel et bien.

Autre élément d’inquiétude, et non des moindres, « la difficulté persistante de la transmission du bas niveau des taux d’intérêt dans un certain nombre de pays ». Certes, il est normal que les taux exigés des PME espagnoles, par exemple, soient supérieurs à ceux demandés à des PME allemandes, compte tenu de risques différents. Mais la dispersion est « trop forte » selon Benoît Coeuré et handicape le bon fonctionnement du marché du crédit « dans une grande partie de la zone euro ». Or, sur ce terrain, la politique monétaire peut contribuer à réduire cette dispersion excessive mais ne peut, à elle seule, résoudre tous les problèmes.

La question, selon le membre du directoire de la BCE tient en partie au bilan des banques de la zone euro. Sans être tous « pourris », certains des actifs bancaires détenus avant la crise financière ont été dégradés. Et depuis la crise, il est demandé aux institutions financières de nettoyer leurs bilans et d’être plus prudentes pour éviter de nouveaux errements. En résumé, « les banques ont de moins en moins de capacités et… d’envie de prêter à l’économie réelle ».

Pour sortir de ce cercle vicieux, Benoît Coeuré a confirmé que la BCE était prête à agir pour limiter les risques qui planent sur la reprise dans la zone euro. Mais elle ne se décidera sur les instruments « conventionnels ou non » pour reprendre l’expression du président Mario Draghi, permettant de les contrer qu’après avoir effectué une évaluation des mécanismes déjà en place. Quitte à élargir encore la gamme de garanties (collatéraux) dont bénéficient les banques s’il le faut.
Mais il appartient aux gouvernements de faire leur part du chemin. En offrant des garanties nationales aux crédits -comme au travers de la BPI en France- ou européenne -grâce à la Banque Européenne d’Investissement-. Et en mettant en place un « mécanisme de contrôle et de surveillance unique bancaire ». Un tel mécanisme, s’il avait existé, aurait permis d’éviter la crise chypriote. Même si cette crise constitue un cas à part dans la mesure où le secteur bancaire représentait 7 à 8 fois le PIB de l’Ile, il est urgent de renforcer la crédibilité des banques de la zone euro. A la lumière d’une nouvelle philosophie internationale au sein de l’Union comme au FMI : « en finir avec la socialisation des pertes et la mutualisation des risques ».