Cnis : statistiques publiques, mesures des disparités territoriales, programme 2019-2023, l’essentiel de l’assemblée du 31 janvier
Publié le 17 mars 2019Synthèse de l’assemblée plénière du Cnis du 31 janvier 2019
Patrice Duran ouvre la séance en présentant à l’Assemblée ses vœux pour l’année 2019 et en insistant sur l’importance de cette assemblée plénière dans la vie du Cnis, puisqu’elle est l’occasion de se pencher sur son futur moyen terme, programme qui court sur les années 2019 à 2023.
Parmi les avancées marquantes du moyen terme qui s’achève, reprises dans le bilan 2014-2018, il retient préférentiellement le sujet de l’accès aux données, pour les chercheurs en particulier, qui a été étayé par deux rapports du Cnis, traitant respectivement de l’accès des chercheurs aux données administratives, publié en 2017 et de l’accès aux données bancaires et financières, publié en 2015, qui a notamment contribué à la mise en place de l’open data room de la Banque de France. Ces ouvertures méritent d’être soulignées et représentent un réel facteur d’attractivité pour la recherche et les travaux scientifiques.
La première séquence est consacrée à un exposé de Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee, sur le thème des inégalités, de la redistribution et du niveau de vie en France, à partir d’un diaporama présenté la semaine précédente à la commission des finances de l’Assemblée nationale et établi sur la base d’une compilation des productions de la statistique publique. En termes de revenu des ménages, si l’on considère les séries longues, le parallélisme constaté entre l’évolution du pouvoir d’achat et celle du produit intérieur brut (PiB) est ralenti depuis la crise de 2008. Le revenu disponible brut ramené respectivement à la personne, au ménage et à l’unité de consommation met en évidence le passage d’une croissance de ces indicateurs à une quasi stagnation, ce qui est un phénomène nouveau depuis l’après-guerre. L’observation des inégalités monétaires traduit le même phénomène. La progression des revenus avant la crise s’est transformée depuis en une stagnation sur la totalité des revenus. La variation sur longue période des revenus déclarés se caractérise en revanche par une grande stabilité, mais les données présentées, issues de sources administratives, peuvent masquer
d’éventuelles distorsions pour certains types de revenus, notamment pour les revenus du capital.
En termes de comparaison internationale des revenus disponibles par unité de compte, la France se situe dans le segment médian des pays de l’OCDE du point de vue des inégalités. Se caractérisant par un haut niveau de prélèvements obligatoires et une redistribution significative, elle apparaît dans le segment médian supérieur pour les inégalités en amont de la redistribution et dans le segment médian inférieur pour les inégalités en aval de cette redistribution. La redistribution s’appuie, en termes de prélèvements, sur la fiscalité directe qui est la principale contributrice en raison de sa progressivité, et en termes de prestations, principalement sur les prestations familiales, les aides au logement et la prime d’activité. Les mesures nouvelles relatives aux prélèvements et aux prestations sociales entre 2008 et 2016 ont contribué à une intensification de l’effet redistributif; ce qui a permis de réduire les inégalités plutôt que de les alourdir.
Les autres facteurs d’inégalité abordés sont la distribution du patrimoine brut, l’évolution du patrimoine financier et immobilier et la part des dépenses pré-engagées, estimées à 30 % pour l’ensemble de la population, mais avec des situations très hétérogènes, cette part étant estimée à 60 % du revenu de base pour les ménages les plus pauvres.
Enfin, en termes de disparités régionales, à partir de cartes et graphiques illustrant le niveau de vie et le bien-être ressenti, il ressort d’une part qu’en termes d’inégalités, les deux régions constituées par le pourtour languedocien du golfe du Lion et l’est de la région Hauts-de-France sont particulièrement marquées et, d’autre part qu’en termes de bien-être subjectif, les différences selon le lieu de résidence sont très faibles en moyenne.
La deuxième séquence fait l’objet d’une table ronde consacrée à la mesure des disparités territoriales. Mickael Cloux présente son expérience d’acteur local, au sein de l’observatoire des services publics de l’Allier, pour construire un schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASP). Après avoir posé le double constat d’une multiplicité d’observatoires existants, avec lesquels il est nécessaire que le projet s’articule, et de l’existence de bases de données qui restent obsolètes, incomplètes ou inexistantes, il fait part d’une expérience originale, consistant à s’appuyer sur les habitants du territoire pour constituer une base de données nouvelles, complétant les sources existantes, à partir de
leur utilisation quotidienne des services. Parallèlement à cette démarche participative, qui est perçue comme très positive, des difficultés demeurent, liées au manque d’interopérabilité entre les bases de données et au manque de données à l’échelle infra-départementale.
Olivier Léon, directeur adjoint de la direction régionale d’Île-de-France de l’Insee, présente les offres de la statistique publique pour mesurer les disparités régionales. Les sources présentes sur insee.fr, données et études, couvrent l’ensemble du territoire de manière homogène et permettent des comparaisons entre l’ensemble des territoires, du niveau national à infracommunal, pour certaines données.
Les principales sources sont :
le recensement de la population, la base permanente des équipements, la base FiloSofi qui permet de mesurer les inégalités de revenus, ainsi que des sources connexes (Clap, Sirene, Dads) permettant d’appréhender la question des économies locales.
Des comparaisons temporelles sont également possibles. Les activités de conseil et d’expertise offerts par l’Insee permettent de répondre, de façon rapide, à des sollicitations d’acteurs locaux, en mobilisant des matériaux statistiques au service d’une actualité ou d’une
politique publique en particulier. Une illustration de cette activité est la participation aux schémas régionaux de développement économique d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), établi avec Régions de France.
La troisième offre de l’Insee concerne les études en partenariat, permettant de réaliser des études plus poussées dans l’analyse des territoires, en mobilisant des outils méthodologiques d’enrichissement de l’analyse des disparités territoriales. Pierre Philippe Combes, président de la commission Territoires, présente son point de vue de chercheur sur les enjeux de la mesure des inégalités territoriales. À partir du constat des grandes disparités mises en évidence par la répartition des revenus par unité de consommation en fonction de la localisation géographique, il indique que les cartes illustrant ces disparités ne tiennent pas compte du coût de la vie. Sa présentation porte précisément sur la correction du coût de la vie, en ce qui concerne les dépenses de logement . Auparavant, il fait remarquer que le niveau d’éducation localisé en fonction des différentes zones a tendance à croître avec la taille de l’agglomération et que la carte des revenus présentée est ainsi une composition de deux effets.
Le coût du logement est une composante importante du coût de la vie. Il varie sensiblement en fonction des zones géographiques et notamment en fonction de la taille des villes, sur la base d’une publication à paraître sur ce sujet. Bien que les habitants ajustent leur panier de consommation en termes de nombre de mètres-carrés dans les villes où les prix sont le plus élevés, la part du logement dans la consommation en fonction de la taille des villes varie de 8 % dans les petites villes à 40 % environ à Paris. Un modèle économétrique, permettant d’apprécier la façon dont les gains et les revenus nominaux croissent avec la taille de la ville met en évidence qu’un individu donné, qui se relocalise vers une ville plus grande voit son
revenu réel baisser. Cependant, ce constat est à rapprocher des gains dynamiques engendrés par ces relocalisations, en particulier la probabilité d’évoluer vers un meilleur emploi ainsi que la prise en compte des aménités locales à prendre en compte dans l’analyse du bien-être.
Enfin, la dernière séance a été consacrée à l’adoption par l’Assemblée, après discussion et amendements, des avis du nouveau moyen terme 2019-2024 qui lui avaient été soumis.
Cette discussion a été introduite par Cédric Afsa, en charge du moyen terme, qui a présenté les
éléments de contexte ayant présidé à l’élaboration de ces avis ; le développement de l’économie numérique, qui a pour effet la diffusion d’une très grande quantité d’informations et une exigence de rapidité dans la mise à disposition de l’information, la mondialisation des activités et des échanges, l’accroissement de la sensibilité de la société civile aux enjeux du développement durable.
La complexification du monde, qui résulte de ces trois éléments, nécessite pour le décrire de disposer de dispositifs d’observation plus complexes, qui doivent de plus être accompagnés dans les messages qu’ils délivrent, par une pédagogie accrue. Le recueil des attentes de ce moyen terme s’est appuyé sur les commissions et les utilisateurs de la statistique publique qui y participent, sur les conclusions des rapports des groupes de travail menés au cours des cinq années précédentes, sur les débats issus des colloques et rencontres organisés au cours
de l’année écoulée. Il a également intégré les réponses à une consultation en ligne sur le site du Cnis, invitant les répondants à citer les sujets considérés comme majeurs pour les années à venir.
Les résultats de cette consultation sont présentés sous la forme d’un nuage de mots représentant les sujets les plus fréquemment cités et parmi eux, l’emploi, les inégalités, le développement durable et les statistiques locales.
L’ensemble des consultations a conduit à l’élaboration de 8 avis généraux et 75 avis de commission. Quatre thèmes alimentent les avis généraux, qui ont pour vocation d’être « surplombants » par rapport aux avis des commissions : le développement durable, le numérique, les territoires et des aspects méthodologiques.
Enfin, le nombre des avis de commission a été limité, pour en assurer un suivi opérationnel au cours des cinq prochaines années. La rédaction en a été épurée : chaque avis est délibérément court et centré sur une problématique précise.