Appel à lever les restrictions à la liberté d’informer

Publié le 20 mai 2021

La liberté d’informer, comme celle de circuler, n’a pas été épargnée par la crise sanitaire. Alors que les prochaines semaines sont censées permettre un retour progressif à la normale, treize associations de journalistes, dont l’Ajef, appellent les émetteurs d’information -pouvoirs publics, institution, entreprises…- à lever les restrictions à la liberté d’informer dans le respect des recommandations sanitaires. A un an de l’élection présidentielle, et alors que les polémiques et les fake news prospèrent, les Français méritent de pouvoir accéder à une information libre et de qualité.

Lever les restrictions à la liberté d’informer

 

En ces temps de pandémie, entre confinements et couvre-feux, les journalistes peuvent apparaître comme des privilégiés : munis de leur carte de presse, pour les besoins de leur activité, ils peuvent se déplacer sans restriction. A la télévision, ils sont même autorisés à tomber le masque.

 

Mais les apparences s’avèrent parfois trompeuses. Et la liberté d’informer, comme celle de circuler, n’a pas été épargnée par la crise sanitaire.

 

Certes, se rendre sur le terrain reste possible – avec le risque de contamination que cela peut représenter. Mais accéder à l’information est devenu plus difficile.

 

Poser des questions librement, demander des précisions, relancer pour obtenir un éclaircissement, s’autoriser à douter d’une affirmation… C’est l’une des bases de la pratique journalistique, qui s’exerce souvent dans le cadre de conférences de presse. Or, depuis des mois, les conférences de presse sont réduites au strict minimum. Quand elles existent, elles ne rassemblent qu’une poignée de journalistes, chargés, dans le meilleur des cas, de collecter etrelayer les questions de leurs confrères. Sans toujours savoir quelle est véritablement l’information recherchée, et sans pouvoir bénéficier du soutien d’un confrère pour relancer si besoin. Actuellement, nous sommes le plus souvent conviés à des visioconférences ou à des « briefs » téléphoniques. Là, c’est par « chat » que l’on pose ses questions… en espérant que l’on daigne y répondre. Quoi de plus facile en effet que d’ignorer purement et simplement unequestion gênante posée sur une « boucle » WhatsApp ou dans une conversation Teams ? Certaines organisations refusent tout bonnement les questions en direct, voire les questions tout court. D’autres imposent d’intégrer un groupe Whatsapp pour accéder à leurs informations.

 

De nombreux événements auparavant ouverts aux journalistes leur sont désormais fermés, et ne donnent lieu qu’à un communiqué de presse sans aspérités. Et quand exceptionnellement une couverture presse est prévue, c’est le plus souvent sous forme de « pool » : seul un petit groupe de journalistes est admis, tenu de partager les images et informations collectées avec les autres rédactions. Impossible pour ces dernières de poser leurs propres questions, et leur propre regard, sur l’événement. Autre habitude désormais bien ancrée : le « micro tendu » à l’issue d’un déplacement ou d’une rencontre ne laisse la place, une fois de plus, qu’à un nombre très limité de questions – et permet de couper court à la première occasion.

 

A cela s’ajoute la difficulté de créer et entretenir un réseau depuis le début de la crise sanitaire : autant il est possible de maintenir le lien avec une source par téléphone quand la relation est déjà bien installée, autant il peut devenir délicat de recueillir des informations sensibles ou inédites d’une personne qu’on n’a même jamais rencontrée…

 

La situation sanitaire justifie certes la prudence, mais elle offre aussi à certains l’occasion de limiter l’accès à l’information.

 

Alors que les commerces, terrasses et théâtres viennent de rouvrir leurs portes, et que les prochaines semaines sont censées permettre un retour progressif à la normale, nous, associations de journalistes, appelons les émetteurs d’informations – pouvoirs publics, institutions, entreprises… – à lever aussi les restrictions à la liberté d’informer, dans le respect des recommandations sanitaires. A un an de l’élection présidentielle, et alors que les polémiques et les fake news prospèrent, les Français méritent de pouvoir accéder à une information libre et de qualité.

 

Le 21 mai 2021

 

Signataires :

Ajis (Association des journalistes de l’information sociale)
Anja (Association nationale des journalistes de l’assurance)
Ajéduc (Association des journalistes éducation-recherche)
AJSPI (Association des journalistes scientifiques de la presse d’information) Ajef (Association des journalistes économiques et financiers)
APP (Association de la presse présidentielle) APM (Association de la presse ministérielle) Association des journalistes parlementaires Association de la presse judiciaire
AJD (Association des journalistes de défense)
AJE (Association des journalistes de l’environnement) AJM (Association des journalistes médias) Association de la presse diplomatique