Petit-déjeuner avec Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE

Publié le 2 juin 2015

Le lundi 1er juin 2015 , nous avons eu le plaisir d’accueillir Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE

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Une urgence : relancer l’investissement en privilégiant la technologie et les compétences
« Grexit », «Brexit »: L’Union européenne se réinvente tous les jours et écartera ce risque
Fiscalité internationale: on aboutira, fin 2015, à la refonte la plus importante depuis 50 à 100ans

Le Secrétaire Général de l’OCDE l’a annoncé: la croissance mondiale sera « un peu décevante » en 2015(1). Mais la reprise, modeste, devrait se poursuivre en 2016, aux Etats-Unis comme en Europe. La Chine devrait trouver un rythme de croisière et même les pays qui, comme la Russie et le Brésil, étaient en récession devraient en sortir « peu à peu ». Autre élément encourageant, on assiste à une convergence entre les économies des pays de l’OCDE. Bref, la situation est « meilleure qu’il y a six mois ou un an ». Reste que la croissance, encore fragile, ne suffira pas à « effacer les retombées de la crise » et réduire suffisamment le chômage, notamment dans l’Union Européenne qui, contrairement aux Etats-Unis, n’est pas une « machine à créer des emplois ».

Sur quels moteurs de croissance compter ?

-le commerce mondial ne décolle pas et ne retrouvera qu’en 2015 son niveau d’avant la crise. Il augmente au même rythme que l’économie alors qu’il lui faudrait progresser deux fois plus vite pour jouer les locomotives de la croissance.

-les investissements, en flux comme en stocks, restent inférieurs à leur niveau de 2008, alors que les liquidités sont importantes. Ce décalage tient, selon Angel Gurria, aux incertitudes pesant sur les politiques économiques nationales et aux restrictions imposées aux banques, aux assurances et aux fonds de pension – par Bâle III et Solvency II notamment – qui freinent les prises de risque.

Le crédit reste, en outre, un problème pour les PME. En Europe, il n’a « toujours pas retrouvé son niveau de 2007 ». A l’inverse, les grandes entreprises, notamment américaines, ont engrangé des liquidités mais l’investissement productif pourrait être « doublé » aux Etats-Unis si lui étaient consacrés « les montants alloués au rachat d’actions » déplore le secrétaire général.

Enfin, l’investissement dans l’éducation, la formation, le numérique est soit insuffisant, soit manque de cohérence avec les besoins. Un exemple : « Sommes-nous bien préparés aux défis d’une concurrence brutale, à couteaux tirés, dans le numérique ? La réponse est « non » ».
-les politiques d’environnement se heurtent encore à de sérieux conflits d’intérêt. L’OCDE soutient la présidence française à quelques mois de la Conférence de Paris sur le climat, la COP 21. Mais, pour le Secrétaire Général, si tout le monde sait ce qu’il faut faire, il est difficile de « faire admettre à chacun ce qu’il fait mal », tel le maintien des subventions aux centrales à charbon.

Interrogé sur les risques de sortie de l’Union européenne de la Grèce et de la Grande Bretagne, Angel Gurria, s’est montré confiant. Il y a urgence pour la Grèce, qui, comme ses créanciers, a beaucoup appris de la crise. A l’inverse, « on a deux ans et demi» avant un referendum en Grande Bretagne ce qui laisse du temps aux polémiques… Mais c’est le côté « admirable » de l’Union européenne : « elle se réinvente tous les jours » et évitera « Grexit » et « Brexit ». Car ce n’est pas un « vieux continent » comme certains l’ont prétendu. Mais « le plus jeune continent du monde ».

Enfin, le Secrétaire Général s’est dit « fier » du chemin parcouru en matière de fiscalité. « On devrait, à la fin de l’année », aboutir à « la plus importante refonte du système fiscal international depuis 50 à 100 ans ». En matière d’échanges d’informations automatiques. Mais aussi pour les multinationales. Il n’est plus question qu’après avoir bénéficié de « l’absence de double imposition, elles bénéficient de la double non-imposition » et échappent à l’impôt en jouant sur l’implantation géographique de leurs filiales.
F.C.

(1) Dans ses « Perspectives économiques »,rendues publiques le 3 juin,l’OCDE a ramené de 4% prévu en mars dernier à 3,1% la croissance mondiale en 2015 et de 4,3 à 3,8% celle de 2016,