Le marché mondialisé : progrès ou calamité ? La réponse de l’économiste

Publié le 12 décembre 2006

Retrouvez le compte-rendu de la conférence du 11 décembre 2006, avec Philippe Nasse, économiste.

« Le marché n’est ni bon ni mauvais. Tout dépend des règles qu’on lui donne. Sur ce point, nous avons un immense besoin du politique ».

Ces conclusions, apportées par Philippe Nasse à son intervention le 11 décembre 2006 à la Sorbonne sur la mondialisation, n’étonneront pas, venant du vice-président du Conseil de la concurrence. Elles peuvent même convaincre, étayées  qu’elles étaient par une argumentation solide.

Le marché s’est à nouveau mondialisé, comme l’avait rappelé Daniel Cohen lors de la conférence inaugurale du 13 novembre des « Lundis de l’Economie ». Nous vivons une troisième mondialisation après celle qui prévalut de 1846, date de la rupture avec le protectionnisme, à la première guerre mondiale, puis celle qui mit aux prises les deux blocs de l’ouest et de l’est. Ces deux premières périodes ont démontré le formidable échec du protectionnisme, notamment en Chine et  en Inde.

Nous sommes passés aujourd’hui dans une ère post-industrielle où la conception et la diffusion des produits et des services priment sur leur fabrication. Le Nord  qui a les moyens de garder la conception et la distribution, est tenté de transférer vers le Sud les activités à faible valeur ajoutée, créant du même coup de graves problèmes sociaux au sein même des  pays développés : appauvrissement relatif de certaines catégories sociales, chômage…

« Le contenu du travail non qualifié pèse sur les échanges », note Philippe Nasse. Ange ou démon, le libre échange ? L’un et l’autre  estime  le conférencier pour qui l’équilibre ne dépend pas du marché lui-même, mais de la politique économique mise en œuvre. Le protectionnisme a échoué et échouera redit Philippe Nasse pour qui trop souvent, on massacre l’ange en croyant tuer le démon.

Pas de marché sans règles, affirme encore l’orateur qui défend le rôle joué par les institutions   comme l’ Organisation mondiale du commerce (OMC) qui est, comme le disait Churchill de la démocratie, le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. Plutôt que de condamner ces organismes multilatéraux,  Philippe Nasse souhaite nous voir dépenser nos  énergies à les améliorer.

Comment ? Peut-être, comme le suggère Jacques Delors, en créant, dans le cadre de l’ONU, un Conseil de sécurité économique, permettant de donner force aux autorités de la concurrence. Celles-ci auraient à s’opposer aux fusions qui écrasent le marché par effet de monopole, à déjouer les ententes illicites, à interdire la prolongation indue de situations de domination. Ce Conseil de sécurité permettrait d’uniformiser l’application des décisions prises dans chaque pays, et  assurerait un contrôle supranational du marché.

Vice-président de l’Union des industries textiles et prochain président de l’Institut français de la mode (IFM), Dominique Jacomet a apporté des compléments d’information aux analyses de Philippe Nasse. Il a notamment souligné que, dans le secteur textile , la conception pouvait représenter de 50 à 80% du prix final. Un secteur qui a connu de grands bouleversements à travers l’histoire, l’Angleterre étant au départ cet « atelier du monde » qu’est devenue la Chine aujourd’hui.

Pour échapper à l’appauvrissement de certaines catégories sociales et au chômage , Dominique Jacomet insiste sur la nécessité de reconvertir de la main d’œuvre non qualifiée en main d’œuvre très qualifiée. Problème récurrent de la formation professionnelle dans un pays, comme la France, où la formation, comme la recherche, ne sont pas à la hauteur des enjeux.