« Comment réinventer le vieux monde de l’énergie? » avec Isabelle Kocher, directrice générale du Groupe Engie, le jeudi 29 septembre (retrouvez les points essentiels de cette rencontre)

Publié le 14 août 2016

– « On aura un jour un monde décarboné »

– Le repositionnement du groupe se fera en trois ans

– « C’est à l’Etat du Luxembourg que la Commission de Bruxelles demande des comptes, pas à nous »

Faire d’ENGIE l’un des acteurs majeurs de la transition énergétique qui s’accélère à l’échelle de la planète, telle est la mission que s’assigne Isabelle Kocher, à elle-même mais aussi aux 155 000 salariés du groupe, répartis dans 70 pays et directement concernés par le changement radical de son organisation. Pour cela, « Effectuer un déplacement du centre de gravité vers le bas, là où la valeur se crée, sur le terrain », tel est le message de la nouvelle directrice du groupe qui a pris ses fonctions en mai 2016, Gérard Mestrallet conservant la présidence jusqu’en mai 2018.
S’inscrire et participer à ce qui est « historiquement le premier vrai défi global qui concerne tous les pays mais aussi tous les habitants de la planète », telle est l’ambition de cet ingénieur(e) du corps des Mines, passée par Normale Sup, et entrée en 2002 dans ce qui était encore le groupe GDF (devenu GDF-Suez, puis Engie).

« On aura un jour un monde décarboné », assure-t-elle, ce qui implique des changements industriels profonds mais aussi de nouveaux équilibres géopolitiques. Grâce au recours accru à de nouvelles formes d’énergie, notamment renouvelables, à commencer par le solaire, de nombreuses zones géographiques pourront devenir quasiment autonomes en termes d’accès à l’énergie et résoudre le problème de dépendance qu’elles peuvent connaître actuellement, affirme Isabelle Kocher, rappelant que 1,3 milliard de Terriens n’ont pas accès à l’énergie et 2 milliards, au total, en bénéficient de façon irrégulière ou insuffisante.

Dans cette optique qui oblige à « penser loin et à aller vite » pour s’adapter au monde dual de 2050 qui, selon Isabelle Kocher, sera constitué, à hauteur de 50% de l’énergie provenant de grandes usines et réseaux, et à 50% d’énergie décentralisée, produite sur le site de consommation, le groupe a entrepris un mouvement de bascule consistant à se désengager d’activités appelées à décliner tout en investissant massivement dans trois domaines : les énergies renouvelables, les réseaux et les solutions décentralisées. Pour ce qui est du renouvelable, la directrice-générale, qui « croit beaucoup à l’hydrogène », tout en pariant sur l’avenir du solaire (« une source d’énergie abondante et bien répartie dans le monde »), a déjà procédé à l’équivalent de 6 milliards d’euros de cessions d’actifs sur un programme de 15 milliards sur trois ans. Dans le même temps, Engie va investir 22 milliards d’euros dans les trois domaines précédemment décrits de façon à conforter ses places de leader, notamment dans le solaire et l’éolien en France. « Nous sommes de plus en plus un groupe qui fournit des services et non plus seulement engagés dans la production », et soucieux d’innovation, explique-t-elle, donnant l’exemple du partenariat conclu avec Michelin pour épauler une « start up » qui travaille sur un nouveau modèle de pile combustible destiné aux véhicules.

Autant dire que le digital sera « la clé » pour gérer la complexité d’une structure qui va passer de « 5 divisions spécialisées » à une organisation territoriale où chacun disposera de la totalité de la boîte à outils. Pour développer ce système d’intégration, le groupe met en place « une usine à fabriquer du digital en interne avec les meilleurs du big data sur chaque segment». Et prépare les conséquences sociales de ce profond changement de modèle. Si Engie embauche chaque année 15 000 CDI, des suppressions de postes sont inévitables : « 88 instances ont été appelées à donner leur avis en Europe et ont donné leur accord ». Un accord qui exclue un plan social et prévoit notamment un budget de 100 millions par an pour la formation.

Interrogée sur le comportement des marchés boursiers qui ont fortement chahuté le titre Engie depuis quatre ans, la patronne exécutive du groupe ne s’émeut pas outre mesure, estimant que les « multiples sont bons » et que le secteur des « utilities » subit la même sanction en bourse que les banques, en un peu moins violent…Elle a, de la même façon, affirmé sa confiance dans le dialogue social établi avec les salariés, certains craignant les plans sociaux qui pourraient accompagner le repositionnement accéléré (en trois ans) d’Engie, expliquant, dans un autre domaine, celui des accords fiscaux passés entre le groupe et les autorités luxembourgeoises,que « c’est à l’Etat luxembourgeois que la Commission demande des comptes, pas à nous ».

Serge Marti

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