Intervention de Serge Marti aux voeux de Michel Sapin

Publié le 28 janvier 2015

Retrouvez l’intervention du président de l’AJEF aux voeux du ministre des Finances et des comptes publics

Bonjour à tous

Merci de participer à cette cérémonie des vœux à la Presse organisée sous l’égide de Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.

Bonjour Monsieur le ministre.

Permettez moi, au nom de l’Association des Journalistes Economiques et Financiers, l’AJEF, de vous remercier pour le respect de cette tradition qui veut que le président de l’AJEF (ou la présidente) s’adresse de vive voix et en direct à nos consœurs et confrères mais aussi à vous, Monsieur le ministre, à vos collaborateurs et à tous les personnels de Bercy.

D’ordinaire, cette cérémonie des vœux est un moment d’échange privilégié plutôt convivial, quelquefois même assez joyeux. Aujourd’hui, vous le comprendrez, mon bref propos sera un peu solennel et malheureusement empreint d’une grande tristesse, d’une immense colère aussi après la tragédie qui a frappé notre nation lors de ces dates funestes des 7, 8 et 9 janvier.

Ces jours-là, à Charlie Hebdo, ce sont des journalistes, caricaturistes ou non, et certains de leurs collègues qui ont été froidement abattus. Ce sont aussi des policiers, des citoyens français, de confession juive, musulmane, catholique, si tant est que cette distinction ait encore un sens, qui ont été assassinés. A ce titre, ils sont tous des nôtres et méritent largement cet hommage posthume que nous devons, entre autres, aux caricaturistes de Charlie Hebdo.

Aux côtés de ces dessinateurs de presse irrévérencieux, figurait un autre impertinent, un autre pourfendeur du politiquement correct, du prêt à penser, qui était lui aussi, à sa façon, un caricaturiste à la plume bien trempée, pourfendeur des idées fausses et des politiques qui, selon lui, le sont parfois au moins autant.

Je veux parler bien sûr de Bernard Maris ou plutôt d’« Oncle Bernard » son nom de plume à Charlie Hebdo, un journal qu’il a toujours soutenu.

Louangé aujourd’hui, ce libre-penseur de l’économie qui voulait d’abord être journaliste, a mis pourtant bien du temps à être reconnu par ses pairs, à défaut d’être réellement accepté. Il faut dire qu’il ne les a guère épargnés. Sa « Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles», doublée de ses « Anti-manuels d’économie », quelques uns parmi la quinzaine d’ouvrages qu’il aura commis en un peu plus de 30 ans auront froissé plus d’un tenant de la vision académique de l’économie et d’une certaine forme de pensée unique.

« Un dessin qui ne dérange pas, qui ne choque pas quelqu’un est un dessin raté », aimaient à dire les caricaturistes de Charlie Hebdo. « Oncle Bernard » était de cette école. Adepte de la transgression et de l’indiscipline économique mais aussi patient pédagogue d’une lecture de l’économie qu’il aimait déchiffrer à sa façon, lecteur assidu de Keynes et de Marx mais aussi de Hayek, Bernard Maris était certes un adversaire acharné du crédo néo-libéral mais surtout un économiste engagé pour un monde et une société qu’il voulait plus équitables.

Le docteur en sciences économiques et agrégé qu’il était, passé par l’Université de l’Iowa et par Paris VIII où il avait enseigné de nombreuses années, siégeait aussi depuis quelques années au Conseil général de la banque de France. En marge de ses nombreuses chroniques, il lui arrivait aussi d’être romancier et un tantinet farceur ; témoin cet ouvrage intitulé « Pertinentes questions morales et sexuelles sur le Dakota du nord » écrit en 1995.

C’était là l’une des nombreuses facettes de ce toulousain, rieur compulsif et adepte de la galéjade, mais très sérieux lorsqu’il s’agissait de faire comprendre la nature réelle des faits économique, le besoin impérieux de les associer à d’autres sciences humaines, à commencer par la sociologie et l’histoire et, surtout, surtout de privilégier en toute choses et notamment en économie, le débat contradictoire, l’examen critique des idées reçues, la porte ouverte aux idées neuves, de préférence quand elles dérangent l’ordre établi.

Nous ne sommes pas tenus de partager les convictions d’ « Oncle Bernard », pas plus que d’épouser ses combats et ses emportements. Mais au sein de l’Association des journalistes économiques et financiers qui fêtera l’année prochaine ses 60 ans d’existence, par le biais de nos différentes activités, des Ateliers de Bercy et de l’OCDE, des Amphis de Louis le Grand, gratuits et ouverts à tous, des Assises Médias Entreprises dont c’était la première édition en décembre dernier, c’est certainement cet esprit de dialogue, de meilleure compréhension de l’économie et d’une bonne connaissance de ses acteurs que nous cherchons nous aussi à promouvoir. Au service des professionnels de l’information mais également du grand public dont on dénonce régulièrement le manque de culture économique, négligeant trop souvent le solide bon ses dont il sait aussi faire preuve.

L’actualité du moment, au lendemain du Forum économique de Davos, auquel vous avez participé, M. le ministre en compagnie du président de la République, le résultat des élections générales en Grèce et son écho dans le reste de l’Europe, les importantes réunions de l’Eurgroupe et de l’Ecofin qui se sont tenues à Bruxelles en fin de semaine, de même que les questions qui demeurent sur la politique économique de la France, sont autant de sujets propices à discussion et à explication. Des questions importantes sur lesquelles nous avons hâte de vous entendre à présent, Monsieur le ministre.

Pour terminer, permettez-moi, au nom de l’AJEF, dans un contexte un peu particulier cette année, de vous présenter à vous Monsieur le ministre ainsi qu’à vos proches, à tous vos collaborateurs et personnels de Bercy et bien sûr à tous mes consoeurs et confrères que je remercie pour leur fidélité, tous nos vœux

En vous souhaitant à tous une année de paix et de bonheur.

Et de liberté d’expression préservée à tout prix.

Je vous remercie.